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LIEN. Dounia Bouzar – La déception de certains jeunes vis à vis de la mise en oeuvre des valeurs de la République

En écoutant attentivement les explications de certains jeunes (ayant grandi en France) sur les raisons de leur engagement dans l’État Islamique, l’oreille attentive perçoit le désir de justice, de fraternité, d’égalité… comme levier dans les promesses d’un ailleurs meilleur. Comme si, justement, les valeurs de la République faisaient tellement référence, qu’ils désiraient en accélérer un “accomplissement idéal” et idéalisé.
Cette observation est à la fois tragique et prometteuse, car c’est bien en améliorant la mise en oeuvre concrète, la pratique au quotidien de ces valeurs d’égalité, d’équité et de justice, et en incluant les jeunes dans notre capacité à améliorer notre “faire société” que nous pourrions avancer ensemble.

Un article de Dounia Bouzar résume bien cette observation. Vous en trouverez ci-dessous une synthèse, l’article complet sur le site de Solidarité Laïque


« Que nous disent les motifs d’engagement des jeunes de Daesh sur notre société ? »

« Quel est le profil des jeunes qui rejoignent Daesh, tous nés et socialisés à l’école de la République démocratique et laïque ? (…) On pourrait penser qu’il s’agit d’une frange de la population en difficulté d’intégration qui a voulu rejoindre ce groupe terroriste parce qu’elle rejetait nos valeurs… Pourtant (…) on s’aperçoit que la propagande de Daesh touche aussi des jeunes qui ont cru en la devise de la République.  Pour les attirer (…) les recruteurs ne parlent pas de leur projet d’extermination externe et de purification interne mais construisent une propagande mensongère qui met en scène un monde d’égalité et de fraternité parfaites… » 

Alors que le discours d’Al Qaïda s’appuyait sur la présentation d’un projet théologique, celui de Daesh et de ce que l’on pourrait nommer « le djihadisme contemporain » s’appuie sur les ressorts intimes des jeunes. Des communicants adaptent les arguments aux différents pays en étudiant les dysfonctionnements politiques de ces derniers : qu’est-ce que les politiques ont promis à la jeunesse chinoise, belge, tunisienne, française, et qu’ils n’ont pas tenu ? Puis on assiste à une individualisation de l’embrigadement : les recruteurs français cherchent la vulnérabilité (psychologique et/ou sociale) de leur interlocuteur pour le persuader que seule son adhésion à l’idéologie « djihadiste » pourra constituer « la bonne réponse », en lui permettant à la fois de se régénérer et de régénérer le monde. (…)

« Un discours fait autorité quand il « fait sens ». (…) Au-delà de la justification idéologique qu’il permet, l’islam se présente dans la bouche des recruteurs aussi et surtout comme un récit qui permet non seulement de donner un sens à sa vie mais aussi de vivre en groupe. 

Deux traits sont récurrents :

Daesh (…) se sert des mécaniques existantes dans les rituels initiatiques en faisant croire à ses recrues qu’elles vont se libérer des basses contingences de la vie ici-bas et acquérir le contrôle total de leurs vies en traversant la frontière. Les adolescents ont besoin de passer par une épreuve qui leur permettre de se dépasser, de manière à se sentir utiles et nécessaires aux autres. C’est la fonction du rite initiatique des sociétés traditionnelles : l’enfant dépasse les limites de sa propre famille pour prendre sa place dans le monde. Il s’inscrit dans la chaîne humaine.

C’est une contre-initiation que Daesh propose :  le jeune se retrouve coupé de tout ce qui faisait de lui un humain, sa famille, ses sentiments, son corps, sa liberté de pensée. Il est sous l’emprise d’un groupe terroriste et totalitaire qui pense à sa place. A la fin du processus, le groupe ne fait pas que penser à sa place, il existe à sa place. L’individu doit se sacrifier pour lui parce que la cause a envahi l’ensemble de son psychisme. En adhérant à l’utopie d’un monde meilleur régi par la loi divine, il s’est en fait inscrit dans la chaîne de la mort. »

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