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TEMOIGNAGES. Formation “Matières à penser, ressentir et agir face aux radicalisations” / Dans un Collège à Avignon

Vous trouverez ci-dessous une synthèse des échanges qui eurent lieu durant cette formation avec les enseignants et documentalistes (en 2017).
Le descriptif de la proposition de formation est ICI. Elle est réalisée depuis 2017 par Sandrine Delrieu (Le Cerese), Clotilde O’Deyé et Florence Lardillon (Anthropos Cultures Associées).

Préalable : ce collège à Avignon est proche de la cité Reine Jeanne, où le chauffeur de taxi nous raconte le matin que les taxis n’entrent pas la nuit. Les enseignants nous disent qu’un Iman a une grande influence chez les jeunes et familles. Cet article évoque la situation en janvier 2016 : http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Avignon-Reine-Jeanne-la-cite-des-salafistes-903833#

Selon le personnel du collège, le collège témoigne d’une “belle mixité” quant à la provenance des élèves.
Ils sont très inquiets de l’intrusion du religieux dans l’établissement :

Début de journée : projection du film “Aimantations. Pourquoi une aimantation entre des jeunes ayant grandi en France et Daesh ?”

Nous avons senti les stagiaires très affectés par les récits contenus dans le film “Aimantations“, et ce dont témoigne ces jeunes. LIEN

” Je suis très triste, je me sens démunie, si cette jeunesse là se sent à ce point délaissée, c’est terrible, la responsabilité qu’on a, la responsabilité des parents. Qu’ils sentent cette ségrégation, alors qu’on a l’impression d’œuvrer dans le sens contraire.”

“Je ne crois pas qu’il y ait un modèle de société qui puisse leur convenir. C’est un suicide collectif”

Ils notent dans leur quotidien à propos de la “liberté d’expression” :

“J’entend souvent les élèves dire : “J’ai le droit de dire ce que je pense !” Il n’y a plus de retenue, de notion de la relation.”

Mais du coup, ils pointent le fait que si pour certains jeunes ceux qui “insultent le prophète” dépassent une limite (un interdit), eux aussi peuvent se sentir autorisés à dire tout ce qu’ils pensent, et à ne pas avoir de limites. Ce type de face à face semble insoluble, chacun brandissant et imposant ses droits, sa liberté d’expression et imposant ses interdits à l’autre.
Ils s’interrogent également sur le “besoin spirituel” dont témoigne un des jeunes dans le film.

“Ce besoin de transcendance, de spiritualité, ce “quelque chose” qui va au-delà de “manger, travailler, consommer…”, qu’est ce que propose notre société, à part le dernier smartphone ?

“Qu’est-ce que l’on propose comme idéal ?”

Et un terrible constat : “Daesh propose du travail”… (PS : nous étions en 2016/2017)

“Je suis très embarrassé, cela me renvoie mon impuissance. J’entends des jeunes très malheureux, leur humiliation. Même si j’y crois encore, je me sens très impuissant pour transmettre certaines valeurs. Cela me renvoie au politique, les affaires (les emplois fictifs de Fillon actuellement / 2017), ces gamins se construisent en regardant les infos, on bafoue les droits élémentaires des individus, ils voient les injustices. Quand je vois ces images, je peux comprendre qu’ils soient partis, et qu’ils ne veuillent pas revenir. C’est terrible”

À propos de leur travail dans le collège, des relations avec les élèves, etc…

Pour une grande majorité de collégiens :

Mais :

À propos de l’orientation :

Le rapport à l’autorité et au mérite

À propos de l’athéisme :

À propos de la discrimination

Le temps de travail de groupe 

Les échanges en petits groupes permettent d’identifier les actions et les leviers déjà mis en œuvre par les enseignants, CPE, documentaliste…

Dans ce collège, deux dynamiques sont particulièrement propices pour développer d’autres types d’actions avec les jeunes :

Le centre de documentation

Les besoins exprimés par les équipes :

La classe relais (en 2017)
Voir le dispositif ici : http://eduscol.education.fr/pid23264/dispositifs-relais.html

Le lien avec des professionnels extérieurs est très important

BESOINS : que ces classes relais soient soutenues, en moyens et en personnel, car elles jouent un véritable rôle structurant dans le parcours des jeunes. 

Même remarque que pour les documentalistes : la pédagogie s’adaptant aux élèves, les enseignants de classe relais sont des personnes ressources importantes dans un établissement.

Paroles d’enseignants

Les instances de représentation pour les élèves (être élu délégué, le conseil général des collégiens (avant), etc

Des questions en suspens… à propos des valeurs de la république, de la laïcité, de l’autorité…

Le cadre des “valeurs de la république” et du principe de la laïcité sont malmenés. 

Les valeurs de la république sont-elles vécues par les élèves dans l’établissement ? Quand ? Comment ? Les transmettre intellectuellement ne suffit pas (surtout quand les jeunes voient dans l’actualité que ces principes ne sont pas toujours respectés par les hommes politiques, etc). Cela pose la question du lien entre le vécu affectif et son expression dans la sphère intellectuelle, dans le domaine des idées. 

Ces valeurs, si elles sont vécues et pratiquées dans la jeunesse au niveau affectif, relationnel, si elles sont appréciées émotionnellement comme “bonnes pour soi-même et pour le vivre ensemble”, peuvent devenir des valeurs, des points d’appui intellectuels, et être projetées dans le futur.

Si les valeurs ne sont pas vécues concrètement, ce ne sont que des mots.

  1. Quand les élèves se sentent-ils réellement utiles dans l’établissement ? Partie prenante ? 
  2. L’autorité. Suffit-il de leur lire le règlement intérieur en début d’année ? Ou devraient-ils apprendre à participer à la construction de règles auxquelles ils peuvent alors accepter de se soumettre “librement” ? (Rousseau). 

A propos des risques de radicalisation fondamentaliste.

Bilan de la journée de formation.

En fin de journée, contrairement aux deux précédents modules qui eurent lieu en lycée où les stagiaires étaient “revigorés” intellectuellement et semblaient avoir déjà des points d’appui dans leur pratique pour dialoguer avec les jeunes, nous sentons ici les stagiaires plus démunis :

Les enseignants, documentalistes… témoignent tous d’un grand dévouement pour les élèves et leur métier.